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DE L’ESPRIT DES LOIS.


est faite avant que le soleil soit créé ; Dieu dit : Faisons l’homme à notre image et à notre ressemblance, et l’homme sort des mains de Dieu sans génération, sans accroissement, et sans subir aucune des lois que Dieu suit maintenant pour le faire arriver à l’âge de maturité. Au reste, si ce que dit l’auteur étoit vrai, que les lois que Dieu suit pour gouverner le monde sont aussi invariables que la fatalité des athées, les miracles ne seroient plus des miracles, ils seroient des suites nécessaires des lois générales. C’est ce que Spinosa entreprend de prouver dans le sixième chapitre de son Traité théologique et politique : il y enseigne « qu’il n’arrive rien dans la nature qui répugne à ses lois universelles, ni aussi qui n’y convienne, et qui n’en soit une suite infaillible ; que la nature observe toujours des règles et des lois inviolables, bien qu’elles ne tombent pas toutes sous notre connoissance ; que la nature garde un ordre fixe et immuable ; que s’il se faisoit quelque chose dans la nature qui répugnât à ses lois, il faudroit nécessairement que cette même chose répugnât aussi à l’ordre que Dieu a établi de toute éternité dans l’univers par les lois générales et universelles ; que par conséquent on n’y pourroit donner créance que l’on ne s’exposât à douter de tout, et à tomber dans l’athéisme. » — Remarquez ce zèle de Spinosa contre les athées. — Il fait plus : il cite divers passages des Livres sacrés, où il prétend trouver en sa manière « que la nature garde en son cours une loi inviolable ; que ses lois sont si parfaites et si fertiles, que l’on n’y sauroit ajouter, et que l’on n’en peut rien ôter, et qu’enfin c’est notre ignorance qui nous fait prendre les miracles pour quelque chose de nouveau ».

Que l’auteur nous dise ce qu’il pense de ces principes de Spinosa, et des conséquences qu’il en tire contre les