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DE L’ESPRIT DES LOIS.


teur des Lettres contre Pope [1] a prouvé que le système de ce poète anglois rentre dans celui de Spinosa. L’auteur des Lettres contre Pope n’a point prononcé absolument que Pope fût spinosiste ; mais il a dit, après l’avoir prouvé, qu’il craint bien que le Dieu de Spinosa ne soit le Dieu de Pope. L’auteur de la Défense, c’est-à-dire l’auteur même de l’Esprit des Lois, demande s’il est spinosiste, lui qui a rejeté la fatalité des athées ; lui qui a distingué le monde matériel d’avec les intelligences spirituelles ; lui qui a reconnu des rapports de justice et d’équité antérieurs à toutes les lois positives ; lui qui a dit : « Cette loi qui, en imprimant dans nous-mêmes l’idée d’un Créateur, nous porte vers lui, est la première des lois naturelles par son importance ? etc. »

Qui voudroit se donner la peine de recueillir ce que Spinosa dit de la grandeur de Dieu, et de ce que l’homme lui doit à titre de premier Être, on pourrait demander si celui qui dit de Dieu de si grandes choses, est un athée. Spinosa dit qu’il y a un Dieu, un Être infiniment juste, miséricordieux, et le modèle de la véritable vie ; qu’il est seul et unique ; qu’il est partout, et que rien ne lui est caché ; qu’il a un droit souverain et une puissance absolue sur toutes choses ; qu’il est indépendant, et qu’il agit par lui-même ; qu’il a fait toutes choses, et qu’il les gouverne avec une sagesse admirable ; que celui qui nie les Histoires sacrées, parce qu’il ne croit pas qu’il y ait un Dieu qui gouverne tout par sa providence, n’a ni religion ni piété ; que le sommaire de la loi divine, et le plus grand de ses commandements, est d’aimer Dieu pour lui-même, sans

  1. L’abbé Gaulthier (J. B.), 1685-1755. L’Essai sur l'homme convaincu d’impiété, 1746, la Haye (Paris), in-12.