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DE L’ESPRIT DES LOIS.


chrétienne : on l’a attaqué comme si ses deux livres sur la religion étoient deux Traités de théologie chrétienne : on l’a repris comme si, parlant d’une religion quelconque, qui n’est pas la chrétienne, il avoit eu à l’examiner selon les principes et les dogmes de la religion chrétienne : on l'a jugé comme s’il s’étoit chargé, dans ses deux livres, d’établir pour les chrétiens, et de prêcher aux mahométans et aux idolâtres les dogmes de la religion chrétienne. Toutes les fois qu’il a parlé de la religion en général, toutes les fois qu’il a employé le mot de religion, on a dit : « C’est la religion chrétienne, » Toutes les fois qu’il a comparé les pratiques religieuses de quelques nations quelconques, et qu’il a dit qu’elles étoient plus conformes au gouvernement politique de ce pays que telle autre pratique, on a dit : « Vous les approuvez donc, et vous abandonnez la foi chrétienne. » Lorsqu’il a parlé de quelque peuple qui n’a point embrassé le christianisme, ou qui a précédé la venue de Jésus-Christ, on lui a dit : « Vous ne reconnoissez donc pas la morale chrétienne. » Quand il a examiné en écrivain politique quelque pratique que ce soit, on lui a dit : « C’étoit tel dogme de théologie chrétienne que vous deviez mettre là. Vous dites que vous êtes jurisconsulte ; et je vous ferai théologien malgré vous. Vous nous donnez d’ailleurs de très-belles choses sur la religion chrétienne ; mais c’est pour vous cacher que vous les dites ; car je connois votre cœur, et je lis dans vos pensées. Il est vrai que je n’entends point votre livre ; il n’importe pas que j’aie démêlé bien ou mal l’objet dans lequel il a été écrit ; mais je connois au fond toutes vos se connaître soi-même,

    se connoître soi-même, 1693 in-12. La Défense de la nation britannique, composée pour justifier la révolution de 1688, est ce qu’on a écrit de plus fort au XVIIe siècle en faveur de la souveraineté du peuple.