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EXAMEN CRITIQUE.


établir ; et quand on l’y a introduite, elle en a été chassée. Il semble, humainement parlant, que ce soit le climat qui a prescrit des bornes à la religion chrétienne et à la religion mahométane. » (Livre XXIV, chapitre XXVI.) L’auteur nous a dit ci-dessus que la religion doit permettre la polygamie dans les pays chauds, et non dans les pays froids. C’est ce qui est cause, selon lui, que le christianisme a été banni de l’Asie, et que le mahométisme n’a pu s’établir en Europe. Quelques pages plus bas l’auteur dit : « Nous sommes extrêmement portés à l’idolâtrie, et cependant nous ne sommes pas fort attachés aux religions idolâtres ; nous ne sommes guère portés aux idées spirituelles, et cependant nous sommes fort attachés aux religions qui nous font adorer un Être spirituel. Cela vient de la satisfaction, que nous trouvons en nous-mêmes, d’avoir été assez intelligents pour nous choisir une religion qui tire la Divinité de l’humiliation où les autres l’avoient mise. Nous regardons l’idolâtrie comme la religion des peuples grossiers, et la religion qui a pour objet un être spirituel, comme celle des peuples éclairés. » (Livre XXV, chapitre II.)

Un sectateur de la religion naturelle ramène tout à la nature. Tantôt c’est la nature du climat qui fait embrasser une religion plutôt qu’une autre ; tantôt c’est la conformation du corps et une certaine paresse dans l’esprit, qui sont cause de l’immutabilité de la religion dans certains pays. Maintenant c’est à l’orgueil que l’on attribue d’avoir fait passer les hommes de l’idolâtrie à la créance de l’unité d’un Dieu, Il feint d’ignorer que toute la terre étoit idolâtre quand Jésus-Christ a paru ; que les Juifs étoient le seul peuple qui connût Dieu, et que ce peuple avoit eu, jusqu’à la captivité de Babylone, un affreux penchant pour