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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Les comtes et les envoyés du roi faisoient encore, dans les occasions, donner aux vassaux, dont la fidélité étoit suspecte, une assurance qu’on appelloit firmtas [1] ; mais cette assurance ne pou voit être un hommage, puisque les rois se la donnoient entre eux [2].

Que si l’abbé Suger parle d’une chaire [3] de Dagobert, où, selon le rapport de l’antiquité, les rois de France avoient coutume de recevoir les hommages des seigneurs [4], il est clair qu’il emploie ici les idées et le langage de son temps.

Lorsque les fiefs passèrent aux héritiers, la reconnoissance du vassal, qui n’étoit dans les premiers temps qu’une chose occasionnelle, devint une action réglée : elle fut faite d’une manière plus éclatante, elle fut remplie de plus de formalités, parce qu’elle devoit porter la mémoire des devoirs réciproques du seigneur et du vassal, dans tous les âges.

Je pourrois croire que les hommages commencèrent à s’établir du temps du roi Pépin, qui est le temps où j’ai dit que plusieurs bénéfices furent donnés à perpétuité : mais je le croirois avec précaution, et dans la supposition seule que les auteurs des anciennes Annales des Francs n’aient pas été des ignorants, qui, décrivant les cérémonies

    faisoit en jurant sur les évangiles. L’hommage se faisoit à genoux ; le serment de fidélité debout. Il n’y avoit que le seigneur qui pût recevoir l’hommage ; mais ses officiers pouvoient prendre le serment de fidélité. Voyez Littleton, scct. XCI et XCII. Foi et hommage, c’est fidélité et hommage. (M.)

  1. Capitulaire de Charles le Chauve, de l’an 860, post reditum a Confluentibus, art. 3, édit. de Baluze, p. 145. (M.)
  2. Ibid., art. 1. (M.)
  3. C’est-à-dire d’un fauteuil. Ce siège existe encore ; il est conservé au Musée des souverains.
  4. Suger, Lib. de administratione sua. (M.)