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DE L’ESPRIT DES LOIS.


pouvoit avoir lieu pour la couronne ; car comme elle ne relevoit de personne, il ne pouvoit point y avoir de droit de rachat sur elle.

La fille de Guillaume V, comte de Toulouse, ne succéda pas à la comté. Dans la suite, Aliénor succéda à l’Aquitaine, et Mathilde à la Normandie ; et le droit de la succession des filles parut dans ces temps-là si bien établi, que Louis le Jeune, après la dissolution de son mariage avec Aliénor, ne fit aucune difficulté de lui rendre la Guienne. Comme ces deux derniers exemples suivirent de très-près le premier, il faut que la loi générale qui appeloit les femmes à la succession des fiefs, se soit introduite plus tard dans la comté de Toulouse que dans les autres provinces du royaume [1].

La constitution de divers royaumes de l’Europe a suivi l’état actuel où étoient les fiefs dans les temps que ces royaumes ont été fondés. Les femmes ne succédèrent ni à la couronne de France ni à l’Empire, parce que, dans l’établissement de ces deux monarchies, les femmes ne pouvoient succéder aux fiefs ; mais elles succédèrent dans les royaumes dont l’établissement suivit celui de la perpétuité des fiefs, tels que ceux qui furent fondés par les conquêtes des Normands, ceux qui furent fondés [2] par les conquêtes faites sur les Maures ; d’autres enfin, qui, au delà des limites de l’Allemagne, et dans des temps assez modernes, prirent, en quelque façon, une seconde naissance par l’établissement du christianisme [3].

  1. La plupart des grandes maisons avoient leurs lois de succession particulières. Voyez ce que M. de la Thaumassière nous dit sur les maisons du Berri. (M.)
  2. A. B. Ceux qui le furent par les conquêtes faites sur les Maures.
  3. Les États Scandinaves et la Moscovie.