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LIVRE XXXI, CHAP. XXXIII.


coutume la plus générale l’avoit fixé à une année du revenu. Cela étoit onéreux et incommode au vassal, et affectoit, pour ainsi dire, le fief. Il obtint souvent, dans l’acte d’hommage, que le seigneur ne demandèrent plus pour le rachat qu’une certaine somme d’argent [1], laquelle, par les changements arrivés aux monnoies, est devenue de nulle importance : ainsi le droit de rachat se trouve aujourd’hui presque réduit à rien, tandis que celui de lods et ventes a subsisté dans toute son étendue. Ce droit-ci ne concernant ni le vassal ni ses héritiers, mais étant un cas fortuit qu’on ne devoit ni prévoir ni attendre, on ne fit point ces sortes de stipulations, et on continua à payer une certaine portion du prix.

Lorsque les fiefs étaient à vie, on ne pouvoit pas donner une partie de son fief, pour le tenir pour toujours en arrière-fief ; il eût été absurde qu’un simple usufruitier eût disposé de la propriété de la chose. Mais, lorsqu’ils devinrent perpétuels, cela fut permis [2] , avec de certaines restrictions que mirent les coutumes [3] : ce qu’on appela se jouer de son fief.

La perpétuité des fiefs ayant fait établir le droit de rachat, les filles purent succéder à un fief, au défaut des mâles. Car le seigneur donnant le fief à la fille, il multiplient les cas de son droit de rachat, parce que le mari devoit le payer comme la femme [4]. Cette disposition ne

  1. On trouve dans les Chartres plusieurs de ces conventions, comme dans le capitulaire de Vendôme et celui de l’abbaye de Saint-Cypricn en Poitou, dont M. Galland, p. 55, a donné des extraits. (M.)
  2. Mais on ne pouvoit pas abréger le fief, c’est-à-dire en éteindre une portion. (M.)
  3. Elles fixèrent la portion dont on pouvoit se jouer. (M.)
  4. C’est pour cela que le seigneur contraignoit la veuve de se remarier. (M.)