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DE L’ESPRIT DES LOIS.


Dieu avoit été consulté ; que la nation lui avoit prêté serment, qu’elle ne pouvoit point se parjurer ; qu’il avoit envoyé Lothaire à Rome, pour être confirmé par le pape. Il pèse sur tout ceci, et non pas sur le droit d’aînesse. Il dit bien que l’empereur avoit désigné un partage aux cadets, et qu’il avoit préféré l’aîné ; mais en disant qu’il avoit préféré l’aîné, c étoit dire en même temps qu’il aurait pu préférer les cadets.

Mais quand les fiefs furent héréditaires, le droit d’aînesse s’établit dans la succession des fiefs, et, par la même raison, dans celle de la couronne, qui étoit le grand fief. La loi ancienne, qui formoit des partages, ne subsista plus : les fiefs étant chargés d’un service, il falloit que le possesseur fût en état de le remplir. On établit un droit de primogéniture ; et la raison de la loi féodale força celle de la loi politique ou civile.

Les fiefs passant aux enfants du possesseur, les seigneurs perdoient la liberté d’en disposer ; et, pour s’en dédommager, ils établirent un droit qu’on appela le droit de rachat, dont parlent nos coutumes, qui se paya d’abord en ligne directe, et qui, par usage, ne se paya plus qu’en ligne collatérale.

Bientôt les fiefs purent être transportés aux étrangers, comme un bien patrimonial. Cela fit naître le droit de lods et ventes, établi dans presque tout le royaume. Ces droits furent d’abord arbitraires ; mais quand la pratique d’accorder ces permissions devint générale, on les fixa dans chaque contrée.

Le droit de rachat devoit se payer à chaque mutation d’héritier, et se paya même d’abord en ligne directe [1]. La

  1. Voyez l’ordonnance de Philippe-Auguste, de l’an 1209, sur les fiefs. (M.)