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LIVRE XXX, CHAP. XXIV


peu de vainqueurs ont eu cette manie. Mais, pour que toutes les conséquences de M. l’abbé Dubos fussent vraies, il auroit fallu que non-seulement ils n’eussent rien changé chez les Romains, mais encore qu’ils se fussent changés eux-mêmes.

Je m’engagerois bien, en suivant la méthode de M. l’abbé Dubos, à prouver de même que les Grecs ne conquirent pas la Perse. D’abord, je parlerois des traités que quelques-unes de leurs villes firent avec les Perses : je parlerois des Grecs qui furent à la solde des Perses, comme les Francs furent à la solde des Romains. Que si Alexandre entra dans le pays des Perses, assiégea, prit et détruisit la ville de Tyr,c’étoit une affaire particulière, comme celle de Syagrius. Mais voyez comment le pontife des Juifs vient au-devant de lui ; écoutez l’oracle de Jupiter Ammon ; ressouvenez-vous comment il avoit été prédit à Gordium, voyez comment toutes les villes courent, pour ainsi dire, au-devant de lui ; comment les satrapes et les grands arrivent en foule. Il s’habille à la manière des Perses ; c’est la robe consulaire de Clovis. Darius ne lui offrit-il pas la moitié de son royaume ? Darius n’est-il pas assassiné comme un tyran ? La mère et la femme de Darius ne pleurent-elles pas la mort d’Alexandre ? Quinte-Gurce, Arrien, Plutarque, étoient-ils contemporains d’Alexandre ? L’imprimerie [1] ne nous a-t-elle pas donné des lumières qui manquoient à ces auteurs ? Voilà l’histoire de l’Établissement de la monarchie françoise dans les Gaules.

  1. Voyez le Discours préliminaire de M. l’abbé Dubos. (M.)
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