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DE L’ESPRIT DES LOIS.


de Marculfe [1] nous font voir des hommes libres dépendant de ces justices dans les premiers temps : les serfs ont donc été justiciables, parce qu’ils se sont trouvés dans le territoire ; et ils n'ont pas donné l’origine aux fiefs, pour avoir été englobés dans le fief.

D’autres gens ont pris une voie plus courte : les seigneurs ont usurpé les justices, ont-ils dit : et tout a été dit. Mais n’y a-t-il eu sur la terre que les peuples descendus de la Germanie, qui aient usurpé les droits des princes ? L’histoire nous apprend assez que d’autres peuples ont fait des entreprises sur leurs souverains ; mais on n’en voit pas naître ce que l’on a appelé les justices des seigneurs. C’étoit donc dans le fond des usages et des coutumes des Germains qu’il en falloit chercher l’origine.

Je prie de voir, dans Loyseau [2], quelle est la manière dont il suppose que les seigneurs procédèrent pour former et usurper leurs diverses justices. Il faudroit qu’ils eussent été les gens du monde les plus raffinés, et qu’ils eussent volé, non pas comme les guerriers pillent, mais comme des juges de village et des procureurs se volent entre eux. Il faudroit dire que ces guerriers, dans toutes les provinces particulières du royaume, et dans tant de royaumes, auroient fait un système général de politique. Loyseau les fait raisonner comme dans son cabinet il raisonnoit lui-même.

Je le dirai encore : si la justice n’étoit point une dé-

  1. Voyez les formules III, IV et XIV du liv. I ; et la chartre de Charlemagne, . de l'an 771, dans Martenne, tome I, Anccdot. collect. 11. Prœcipientes jubemus ut ullus judex publicus..... homines ipsius ecclesiœ et monasterii upsius Morbacensis, tam ingenuos quam et servos, et qui super eorum terras manere, etc. (M.)
  2. Traité des justices de village. (M.)