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DE L’ESPRIT DES LOIS.

Ce fredum étoit un droit local pour celui qui jugeoit [1] dans le territoire. La loi des Ripuaires [2] lui défendoit pourtant de l’exiger lui-même ; elle vouloit que la partie qui avoit obtenu gain de cause, le reçût et le portât au fisc, pour que la paix, dit la loi, fût éternelle entre les Ripuaires.

La grandeur du fredum se proportionna à la grandeur de la protection [3] : ainsi le fredum pour la protection du roi fut plus grand que celui accordé pour la protection du comte et des autres juges.

Je vois déjà naître la justice des seigneurs. Les fiefs comprenoient de grands territoires, comme il paroît par une infinité de monuments. J’ai déjà prouvé que les rois ne levoient rien sur les terres qui étoient du partage des Francs ; encore moins pouvoient-ils se réserver des droits sur les fiefs. Ceux qui les obtinrent eurent à cet égard la jouissance la plus étendue ; ils en tirèrent tous les fruits et tous les émoluments ; et, comme un des plus considérables [4] étoit les profits judiciaires (freda) que l'on recevoit par les usages des Francs, il suivoit que celui qui avoit le fief avoit aussi la justice, qui ne s’exerçoit que par des compositions aux parents et des profits au seigneur. Elle n’étoit autre chose que le droit de faire payer les compositions de la loi, et celui d’exiger les amendes de la loi.

  1. Comme il paroît par le décret de Clotaire II, de l'an 593. Fredus tamen judicis, in cujus pago est, reservetur. (M.)
  2. Tit. LXXXIX. (M.)
  3. Capitulare incerti anni, ch. LVII, dans Baluze, tome I, p. 515. Et il faut remarquer que ce qu'on appelle fredum ou faida dans les monuments de la première race, s'appelle bannum dans ceux de la seconde, comme il paroît par le capitulaire de partibus Saxoniœ, de l’an 789. (M.)
  4. Voyez le capitulaire de Charlemagne, de Villis, où il met ces freda au nombre des grands revenus de ce qu’on appelloit villœ, ou domaines du roi. (M.)