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LIVRE XXX, CHAP. XIX.


aussi, dans les codes des peuples barbares, ces satisfactions s'appellent-elles des compositions.

Je ne trouve que la loi des Frisons qui ait laissé le peuple dans cette situation où chaque famille ennemie étoit, pour ainsi dire, dans l’état de nature [1] et où, sans être retenue par quelque loi politique ou civile, elle pouvoit à sa fantaisie exercer sa vengeance, jusqu’à ce qu’elle eût été satisfaite. Cette loi même fut tempérée : on établit que celui dont on demandoit la vie, auroit la paix dans sa maison, qu’il l’auroit en allant et en revenant de l’église, et du lieu où l'on rendoit les jugements [2].

Les compilateurs des lois saliques citent un ancien usage des Francs, par lequel celui qui avoit exhumé un cadavre pour le dépouiller, étoit banni de la société des hommes, jusqu’à ce que les parents consentissent à l’y faire rentrer [3] ; et comme avant ce temps il était défendu à tout le monde, et à sa femme même, de lui donner du pain ou de le recevoir dans sa maison, un tel homme étoit à l’égard des autres, et les autres étoient à son égard, dans l’état de nature, jusqu’à ce que cet état eût cessé par la composition.

A cela près, on voit que les sages des diverses nations barbares songèrent à faire par eux-mêmes ce qu'il étoit trop long et trop dangereux d’attendre de la convention réciproque des parties. Ils furent attentifs à mettre un prix juste à la composition que devoit recevoir celui à qui on avoit fait quelque tort ou quelque injure. Toutes ces lois barbares ont là-dessus une précision

  1. Voyez cette loi, tit. II, sur les meurtres ; et l'addition de Wulemar sur les vols. (M.)
  2. Addito sapientium, tit I, § 1. (M.)
  3. Loi salique, tit. LVIIIl, § 1 ; tit. XVII, § 3. (M.)