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DE L’ESPRIT DES LOIS.


contrées de Saxe ; elle contient l'affranchissement des Saxons, à cause qu’ils avoient embrassé le christianisme ; et c’est proprement une chartre d’ingénuité [1]. Ce prince les rétablit dans leur première liberté civile [2], et les exempte de payer le cens. C’étoit donc une même chose d’être serf et de payer le cens, d’être libre et de ne le payer pas.

Par une espèce de lettres-patentes du [3] même prince en faveur des Espagnols gui avoient été reçus dans la monarchie, il est défendu aux comtes d’exiger d’eux aucun cens, et de leur ôter leurs terres. On sait que les étrangers gui arrivoient en France étoient traités comme des serfs ; et Charlemagne, voulant qu’on les regardât comme des hommes libres, puisqu’il vouloit qu’ils eussent la propriété de leurs terres, défendoit d’exiger d’eux le cens.

Un capitulaire [4] de Charles le Chauve, donné en faveur des mêmes Espagnols, veut qu’on les traite comme on traitoit les autres Francs, et défend d’exiger d’eux le cens : les hommes libres ne le payoient donc pas.

L’article 30 de l’édit de Pistes réforme l’abus par lequel plusieurs colons du roi ou de l’église vendoient les terres dépendantes de leurs manoirs à des ecclésiastiques ou à des gens de leur condition, et ne se réservoient qu’une petite case : de sorte qu’on ne pouvoit plus être payé du cens ; et il y est ordonné de rétablir les choses dans leur premier état : le cens étoit donc un tribut d’esclaves.

  1. Et ut ista ingenuitatis pagina firma stabilisque consistat. Ibid. (M.)
  2. Pristinœque libertati donatos, et omni nobis débito censu solutos. Ibid. (M.)
  3. Prœceptum pro Hispanis, de l'an 811, édition de Baluze, tome I page 500. (M.)
  4. De l'an 844, édit. de Baluze, tome II, art. 1 et 2, p. 27. (M.)