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DE L’ESPRIT DES LOIS.


et dans la seconde race : et des auteurs modernes, qui avoient des systèmes particuliers [1], ayant trouvé ce mot dans les écrits de ces temps-là, ils ont jugé que ce qu’on appeloit census étoit précisément le cens des Romains ; et ils en ont tiré cette conséquence, que nos rois des deux premières races s’étoient mis à la place des empereurs romains, et n’avoient rien changé à leur administration [2]. Et comme de certains droits levés dans la seconde race ont été, par quelques hasards et par de certaines modifications, convertis en d*autres, ils en ont conclu que ces droits étoient le cens des Romains [3] : et, comme depuis les règlements modernes ils ont vu que le domaine de la couronne étoit absolument inaliénable, ils ont dit que ces droits, qui représentoient le cens des Romains, et qui ne forment pas une partie de ce domaine, étoient de pures usurpations. Je laisse les autres conséquences.

Transporter dans des siècles reculés toutes les idées du siècle où l'on vit, c’est des sources de l’erreur celle qui est la plus féconde. A ces gens qui veulent rendre modernes tous les siècles anciens, je dirai ce que les prêtres d’Égypte dirent à Solon : « Athéniens ! vous n’êtes que des enfants [4]. »

  1. M. l’abbé Dabos, et ceux qui l’ont suivi. (M.)
  2. Voyez la foiblesse des raisons de M. l'abbé Dubos, Établissement de la monarchie françoise, tome III, liv. VI, ch. XIV ; surtout l'induction qu'il tire d'un passage de Grégoire de Tours sur un démêlé de son église avec le roi Charibert. (M.)
  3. Par exemple, par les affranchissements. (M.)
  4. Platon dans le Timée.
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