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CHAPITRE XVIII.


DES IDÉES D’UNIFORMITÉ.[1]


Il y a de certaines idées d’uniformité qui saisissent quelquefois les grands esprits (car elles ont touché Charlemagne), mais qui frappent infailliblement les petits. Ils y trouvent un genre de perfection qu’ils reconnoissent, parce qu’il est impossible de ne le pas découvrir : les mêmes poids dans la police, les mêmes mesures dans le commerce, les mêmes lois dans l’État, la même religion dans toutes ses parties. Mais cela est-il toujours à propos sans exception ? Le mal de changer est-il toujours moins grand que le mal de souffrir ? Et la grandeur du génie ne consisteroit-elle pas mieux à savoir dans quel cas il faut l’uniformité [2], et dans quel cas il faut des différences ? À la Chine, les Chinois sont gouvernés par le cérémonial chinois, et les

  1. Nous voici à un des chapitres les plus curieux de l'ouvrage. C'est un de ceux qui ont valu à Montesquieu, l'indulgence de tous les gens à préjugés, de tous ceux qui haïssent les lumières, de tous les protecteurs des abus, etc. (CONDORCET.)

    N'en déplaise à Condorcet, Montesquieu, en signalant l'abus de l’uniformité à outrance, a mis le doigt sur un des défauts les plus sensibles de l'esprit français. L’uniformité est une bonne chose ; mais, comme toute réforme, elle a un prix qu’il faut calculer. Du reste, cette question a été très-habilement traitée par Benjamin Constant dans son Esprit de conquête, ch. XIII. Cours de politique constitut., t. II, p. 170 et suiv.

  2. A. B. Il faut de l’uniformité.