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DE L’ESPRIT DES LOIS.


sements. Philippe le Bel [1] fit enseigner les lois de Justinien, seulement comme raison écrite, dans les pays de la France qui se gouvernoient par les coutumes ; et elles furent adoptées comme loi, dans les pays où le droit romain étoit la loi.

J'ai dit ci-dessus que la manière de procéder par le combat judiciaire demandoit, dans ceux qui jugeoient, très-peu de suffisance [2] ; on décidoit les affaires ; dans chaque lieu, selon l’usage de chaque lieu, et suivant quelques coutumes simples, qui se recevoient par tradition. Il y avoit, du temps de Beaumanoir [3] , deux différentes manières de rendre la justice. Dans des lieux, on jugeoit par pairs [4] ; dans d’autres, on jugeoit par baillis. Quand on suivoit la première forme, les pairs jugeoient selon l’usage de leur juridiction [5] ; dans la seconde, c’étoient des prud’hommes ou vieillards qui indiquoient au bailli le même usage. Tout ceci ne demandoit aucunes lettres, aucune capacité, aucune étude. Mais, lorsque le code obscur des Établissements y et d’autres ouvrages de jurisprudence parurent [6] ; lorsque le droit romain fut traduit ; lorsqu’il commença à être enseigné dans les écoles ; lorsqu’un certain art de la procédure, et qu’un certain art de la juris-

  1. Par une charte de l'an 1312, en faveur de l'université d'Orléans rapportée par Dutillet (M.)
  2. C’est-à-dire de capacité.
  3. Coutume de Beauvoisis, c. I, de l'Office des baillis. (M.)
  4. Dans la commune, les bourgeois ôtoient jugés par d’autres bourgeois, comme les hommes de fief se jugeoient entre eux. Voyez la Thaumassière c. XIX. (M.)
  5. Aussi toutes les requêtes commençoient-elles par ces mots : « Sire juge, il est d’usage qu'en votre jurisdiction, etc., » comme il paroît par la formule rapportée dans Boutillier, Somme rurale, llv. I, tit. XXI. (M.)
  6. A. B. Mais lorsque le code obscur des Établissements parut, lorsque le droit romain, etc.