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DE L’ESPRIT DES LOIS.


provinces, qui eussent l’œil sur l’administration de la justice et sur les affaires politiques. Il paroît même, par les chartres, que lorsque de nouveaux fiefs s’établissoient, les rois se privoient du droit de les y envoyer. Ainsi, lorsque tout, à peu près, fut devenu fief, ces officiers ne purent plus être employés ; il n’y eut plus de loi commune, parce que personne ne pouvoit faire observer la loi commune.

Les lois saliques, bourguignonnes et wisigothes furent donc extrêmement négligées à la fin.de la seconde race ; et, au commencement de la troisième, on n’en entendit presque plus parler.

Sous les deux premières races on assembla souvent la nation, c’est-à-dire les seigneurs et les évêques : il n’étoit point encore question des communes. On chercha dans ces assemblées à régler le clergé, qui étoit un corps qui se formoit, pour ainsi dire, sous les conquérants, et qui établissoit ses prérogatives. Les lois faites dans ces assemblées sont ce que nous appelons les capitulaires. Il arriva quatre choses : les lois des fiefs s’établirent, et une grande partie des biens de l’Église fut gouvernée par les lois des fiefs ; les ecclésiastiques se séparèrent davantage, et négligèrent [1] des lois de réforme où ils n’avoient pas été les seuls réformateurs : on recueillit [2] les canons des con-

  1. « Que les évêques, dit Charles le Chauve, dans le capitulaire de l'an 844, art. 8, sous prétexte qu’ils ont l'autorité de faire des canons, ne s'opposent pas à cette constitution, ni ne la négligent. » Il semble qu'il en prévoyait déjà la chute. (M.)
  2. On inséra dans le recueil des canons un nombre infini de décrétales des papes ; il y en avoit très-peu dans l'ancienne collection. Denys le Petit en mit beaucoup dans la sienne ; mais celle d'Isidore Mercator fut remplie de vraies et de fausses décrétales. L’ancienne collection fut en usage en France jusqu’à Charlemagne. Ce prince reçut des mains du pape Adrien Ier la collection de Denys le Petit, et la fit recevoir. La collection d’Isidore