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DE L’ESPRIT DES LOIS.


tiennent également au droit privé. Mais chez les Romains, où les testaments dérivoient du droit public, ils eurent de plus grandes formalités [1] que les autres actes ; et cela subsiste encore aujourd’hui dans les pays de France qui se régissent par le droit romain.

Les testaments étant, comme je l’ai dit, une loi du peuple, ils dévoient être faits avec la force du commandement, et par des paroles que l’on appela directes et impératives. De là il se forma une règle, que l’on ne pourroit donner ni transmettre son hérédité que par des paroles de commandement [2] : d’où il suivit que l’on pouvoit bien, dans de certains cas, faire une substitution [3], et ordonner que l’hérédité passât à un autre héritier ; mais qu’on ne pouvoit jamais faire de fidéicommis [4], c’est-à-dire, charger quelqu’un, en forme de prière, de remettre à une autre l’hérédité, ou une partie de l’hérédité.

Lorsque le père n’instituoit ni exhérédoit son fils, le testament étoit rompu ; mais il étoit valable, quoiqu’il n’exhérédât ni instituât sa fille. J’en vois la rsdson. Quand il n’instituoit ni exhérédoit son fils, il faisoit tort à son petit-fils qui auroit succédé ab intestat à son père ; mais en n’instituant ni exhérédant sa fille, il ne faisoit aucun tort aux enfants de sa fille, qui n’auroient point succédé ab intestat à leur mère [5], parce qu’ils n’étoient héritiers-siens ni agnats.

  1. Instit., liv. II, tit. X, § 1. (M.)
  2. Titius, sois mon héritier. (M.)
  3. La vulgaire, la pupillaire, l'exemplaire. (M.)
  4. Auguste, par des raisons particulières, commença à autoriser les fidéicommis. Instit., liv. II, tit. XXIII, § 1. (M.)
  5. Ad liberos matris intestatœ hœreditas, lege XII tabularum, non pertinebat, quia feminœ suos hœredes non habent. Ulp. fragm. tit. XXVI, § 7. (M.)