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LIVRE XXVI, CHAP. IX.


du mariage ; on considéra moins l’union des deux sexes dans l’état civil, que dans un état spirituel.

D'abord, par la loi [1] romaine, un mari qui ramenoit sa femme dans sa maison après la condamnation d’adultère, fut puni comme complice de ses débauches. Justinien [2], dans un autre esprit, ordonna qu’il pourroit, pendant deux ans, l’aller reprendre dans le monastère.

Lorsqu’une femme qui avoit son mari à la guerre n’entendoit plus parler de lui, elle pouvoit, dans les premiers temps, aisément se remarier, parce qu’elle avoit entre ses mains le pouvoir de faire divorce. La loi de Constantin [3] voulut qu’elle attendît quatre ans, après quoi elle pouvoit envoyer le libelle de divorce au chef [4] ; et, si son mari revenoit, il ne pouvoit plus l’accuser d’adultère. Mais Justinien [5] établit que, quelque temps qui se fût écoulé depuis le départ du mari, elle ne pouvoit se remarier, à moins que, par la déposition et le serment du chef, elle ne prouvât la mort de son mari. Justinien avoit en vue l’indissolubilité du mariage ; mais on peut dire qu’il l’avoit trop en vue. Il demandoit une preuve positive, lorsqu’une preuve négative suffisoit ; il exigeoit une chose très-difficile, de rendre compte de la destinée d’un homme éloigné, et exposé à tant d’accidents ; il présumoit un crime, c’est-à-dire la désertion du mari, lorsqu’il étoit si naturel de présumer sa mort. Il choquoit le bien public, en laissant une femme sans mariage ; il choquoit l’intérêt particulier, en l’exposant à mille dangers.

  1. Leg. 11, § ult. ff. ad leg. Jul. de adult. (M.)
  2. Novelle, 131, ch. X. (M.) Justinien suivait l'esprit chrétien qui est de pardonner.
  3. Leg. 7, Cod, de Repudiis et Judicio de moribus sublato. (M.)
  4. C'est-à-dire au commandant militaire.
  5. Auth. Hodie quantiscumque, Cod. de repud. (M.)