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CHAPITRE XVII.


CONTINUATION DU MÊME SUJET.


Lorsqu’il y a beaucoup de sujets de haine dans un État, il faut que la religion donne beaucoup de moyens de réconciliation. Les Arabes, peuple brigand, se faisoient souvent des injures et des injustices. Mahomet [1] fit cette loi : « Si quelqu’un pardonne le sang de son frère [2], il pourra poursuivre le malfaiteur pour des dommages et intérêts ; mais celui qui fera tort au méchant, après avoir reçu satisfaction de lui, souffrira au jour du jugement des tourments douloureux. »

Chez les Germains, on héritoit des haines et des inimitiés de ses proches ; mais elles n’étoient pas éternelles. On exploit l’homicide, en donnant une certaine quantité de bétail ; et toute la famille recevoit la satisfaction : « chose très-utile, dit Tacite [3], parce que les inimitiés sont plus dangereuses chez un peuple libre ». Je crois bien que les ministres de la religion, qui avoient tant de crédit parmi eux, entroient dans ces réconciliations.

Chez les Malais [4], où la réconciliation n’est pas établie,

  1. Dans l'Alcoran, liv. I ch. de la Vache. (M.)
  2. En renonçant à la loi du talion. (M.)
  3. De moribus German., c. XXI. (M.)
  4. Recueil des voyages qui ont servi à l’établissement de la compagnie