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CHAPITRE XIII.


DES CRIMES INEXPIABLES.


Il paroit, par un passage des livres des pontifes, rapporté par Cicéron [1], qu’il y avoit chez les Romains des crimes [2] inexpiables ; et c’est là-dessus que Zozime fonde le récit si propre à envenimer les motifs de la conversion de Constantin, et Julien cette raillerie amère qu’il fait de cette même conversion dans ses Césars [3].

La religion païenne, qui ne défendoit que quelques crimes grossiers, qui arrètoit la main et abandonnoit le cœur, pouvoit avoir des crimes inexpiables ; mais une religion qui enveloppe toutes les passions ; qui n’est pas plus jalouse des actions que des désirs et des pensées ; qui ne nous tient point attachés par quelques chaînes, mais par un nombre innombrable de fils ; qui laisse derrière elle la justice humaine, et commence une autre justice ; qui est faite pour mener sans cesse du repentir à l’amour, et de l’amour au repentir ; qui met entre le juge et le criminel un grand médiateur, entre le juste et le médiateur un

  1. Liv. II, des Lois, ch. XXII. (M.)
  2. Sacrum commissum, quod neque expiari poterit, impie commissum est ; quod expiari poterit publici sacerdotes expianto. (M.)
  3. Le récit de Zozime a été réfuté par Sozomène, il y a treize cents ans ; voyez Tillemont. La conversion de Constantin est antérieure de quatorze ans à la mort de Crispus. Constantin ne s^est donc pas fait chrétien pour expier la mort de son fils.