Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t4.djvu/18

Cette page n’a pas encore été corrigée

CHAPITRE II.


DIVERSES SIGNIFICATIONS DONNÉES AU MOT DE LIBERTÉ.


Il n’y a point de mot qui ait reçu plus de différentes significations, et qui ait frappé les esprits de tant de manières, que celui de liberté. Les uns l’ont pris pour la facilité de déposer celui à qui ils avoient donné un pouvoir tyrannique ; les autres, pour la faculté d’élire celui à qui ils dévoient obéir ; d’autres, pour le droit d’être armés, et de pouvoir exercer la violence ; ceux-ci, pour le privilège de n’être gouvernés que par un homme de leur nation, ou par leurs propres lois [1]. Certain peuple a longtemps pris la liberté pour l’usage de porter une longue barbe [2]. Ceux-ci ont attaché ce nom à une forme de gouvernement, et en ont exclu les autres. Ceux qui avoient goûté du gouvernement républicain l’ont mise dans ce gouvernement ; ceux qui avoient joui du gouvernement monarchique l’ont placée dans la monarchie [3]. Enfin chacun a appelé liberté le gouvernement qui était conforme à ses

  1. « J'ai, dit Cicéron, copié l'édit de Scévola, qui permet aux Grecs de terminer entre eux leurs différends selon leurs lois, ce qui fait qu'ils se regardent comme des peuples libres. » (M.) Ad Att. VI, I.
  2. Les Moscovites ne pouvoient souffrir que le czar Pierre la leur fit couper. (M.)
  3. Les Cappadociens refusèrent l'état républicain que leur offrirent les Romains. (M.)