Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/55

Cette page n’a pas encore été corrigée
XXXV
A L’ESPRIT DES LOIS.


condamna l'Esprit des lois; il ajoute que, suivant toute apparence, cette censure décida Montesquieu à ne plus donner, de son vivant, une nouvelle édition de son livre. Il serait bon d'éclaircir ce fait peu connu de la mise à l'Index ; je remarque que les contemporains les mieux informés n'en parlent point. D'Alembert, qui s'étend sur les critiques des Nouvelles ecclésiastiques, et qui fait la leçon à la Sorbonne, ne dit pas un mot de l'Index. Est-ce ignorance, est-ce calcul ? il serait intéressant de le savoir.

Ce qui me ferait croire que la condamnation de l'Index ne reçut pas une grande publicité, c'est que le 4 juin 1752, trois mois après le jugement du tribunal romain, les Nouvelles ecclésiastiques recommencent le feu contre l'Esprit des lois, en attribuant à Montesquieu une brochure intitulée : Suite de la Défense de l'Esprit des lois [1] . Le gazetier janséniste saisit ce prétexte pour dire des injures atroces à l'ennemi qu'il veut terrasser. Dans cet article, que je ne connais, il est vrai, que par une lettre de Montesquieu, du 4 octobre 1752, il n'est pas question de l'Index et de sa censure. Comment un journal religieux aurait-il perdu une si belle occasion ?

Montesquieu applaudit à la Suite de la Défense de l'Esprit des lois, « faite, dit-il, par un protestant, écrivain habile, et qui a infiniment d'esprit ». Mais quant à lui, il ne veut pas répondre, « haïssant à la mort de faire encore parler de lui... Mon principe, ajoute-t-il, est de ne point me remettre sur les rangs avec des gens méprisables. » Il avait raison ; on ne discute qu'avec des adversaires de bonne foi. Quant aux fanatiques, ou aux écrivains à gages qui font de la calomnie un métier, c'est une duperie que de se prêter à leur jeu. Le seul moyen de les confondre, c'est d'opposer à leurs insultes le silence et le mépris.

  1. Cette brochure, publiée à Berlin en 1751, était de La Beaumelle. C'était une réponse à la réplique des Nouvelles ecclésiastiques, publiée en 1750, dont j'ai parlé plus haut.