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XXXIV
INTRODUCTION


chait le repos, en comptant sur l'avenir pour justifier l'œuvre qu’il léguait à la postérité.

Il serait intéressant de connaître les détails de cette négociation, où Montesquieu paraît avoir déployé cette finesse qui lui avait donné le goût de la diplomatie. Les pièces sont à Rome, mais on ne les a jamais publiées. Tout ce que nous savons, grâce à M. Sclopis [1], c’est que le cardinal Passionei, un savant homme, se fit l’avocat de l'auteur auprès de monseigneur Bottari chargé de l’examen du livre. Une lettre adressée par Montesquieu au cardinal, et accompagnée d’une feuille d’éclaircissements, est entre les mains de M. Camille Angelini, à Rome ; M. Sclopis en donne une analyse, faite pour exciter la curiosité du public :


« Cette lettre, dit-il, est du 2 juin 1750. Montesquieu y témoigne le désir le plus vif d'éviter que son livre soit mis à l'Index ; il espère que l'on verra « que s'il (Bottari) a trouvé quelquefois des termes qui n'exprimoient pas assez, ou qui exprimoient trop, ou des endroits qui n'étoient pas assez développés, Je suis cependant presque toujours d'accord avec cet illustre prélat (Bottari). » Il ajoute qu’il s'en remet au jugement des deux prélats, et que s’il désire que partout on soit content de lui, ce désir est infiniment plus ardent à l'égard de Rome.

« Dans les éclaircissements ajoutés, on reproduit à peu près les mêmes considérations que ceux qui se lisent dans la Défense de l’Esprit des lois, qui était alors au moment d’être publiée. Montesquieu déclare encore que comme il veut éviter même de scandaliser les simples, il supprimera et expliquera dans une nouvelle édition, qu’il ne tardera pas à donner, les endroits qu’on s'est efforcé de rendre suspects par une explication sinistre. » Il demande qu’on suspende le jugement jusqu’à ce que l'on puisse avoir sous les yeux les réponses de fauteur et la nouvelle édition ; enfin il parle de sa position dans le monde, et il insiste pour qu'on soit moins prompt à flétrir son livre et à condamner ses sentiments, qui ont toujours été et seront toujours ceux de la plus saine et de la plus pure doctrine, et exempts de tout soupçon à cet égard. »


Malgré cette déférence, malgré les efforts du duc de Nivernois, le livre ne put échapper à la censure romaine. M. Vian nous apprend que, le 3 mars 1752, la congrégation de l'Index

  1. Recherches sur l’Esprit des lois, p. 132.