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LIVRE X, CHAP. XIII.


peut pas parer [1] à des événements qui naissent continuellement de la nature des choses [2].

Mais la nature ni la fortune ne furent jamais si fortes contre lui que lui-même.

Il ne se régloit point sur la disposition actuelle des choses, mais sur un certain modèle qu’il avoit pris ; encore le suivit-il très-mal. II n’étoit point Alexandre ; mais il auroit été le meilleur soldat d’Alexandre.

Le projet d’Alexandre ne réussit que parce qu’il étoit sensé. Les mauvais succès des Perses dans les invasions qu’ils firent de la Grèce, les conquêtes d’Agésilas et la retraite des Dix mille avoient fait connoître au juste la supériorité des Grecs dans leur manière de combattre, et dans le genre de leurs armes ; et l’on savoit bien que les Perses étoient trop grands pour se corriger.

Ils ne pouvoient plus affoiblir la Grèce par des divisions ; elle étoit alors réunie sous un chef, qui ne pouvoit avoir de meilleur moyen pour lui cacher sa servitude que de l’éblouir par la destruction de ses ennemis éternels et par l’espérance de la conquête de l’Asie.

Un empire cultivé par la nation du monde la plus industrieuse, et qui travailloit les terres par principe de religion, fertile et abondant en toutes choses, donnoit à un ennemi toutes sortes de facilités pour y subsister.

On pouvoit juger par l’orgueil de ces rois, toujours vainement mortifiés par leurs défaites, qu’ils précipiteroient leur chute en donnant toujours des batailles, et que la flatterie ne permettroit jamais qu’ils pussent douter de leur grandeur.

  1. A. B. Mais comment parer, etc.
  2. V. les Considérations sur la grandeur et la décadence des Romains, chap. XVIII, p. 273.