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CHAPITRE IX.


D’UNE MONARCHIE QUI CONQUIERT AUTOUR D’ELLE.


Si une monarchie peut agir longtemps avant que l’agrandissement l’ait affoiblie, elle deviendra redoutable, et sa force durera tout autant qu’elle sera pressée par les monarchies voisines.

Elle ne doit donc conquérir que pendant qu’elle reste dans les limites naturelles à son gouvernement. La prudence veut qu’elle s’arrête sitôt qu’elle passe ces limites.

Il faut, dans cette sorte de conquête, laisser les choses comme on les a trouvées : les mêmes tribunaux, les mêmes lois, les mêmes coutumes, les mêmes privilèges ; rien ne doit être changé que l’armée et le nom du souverain.

Lorsque la monarchie a étendu ses limites par la conquête de quelques provinces voisines, il faut qu’elle les traite avec une grande douceur.

Dans une monarchie qui a travaillé longtemps à conquérir, les provinces de son ancien domaine seront ordinairement très-foulées. Elles ont à souffrir les nouveaux abus et les anciens ; et souvent une vaste capitale, qui engloutit tout, les a dépeuplées[1]. Or si, après avoir con-

  1. A. B. Il faut qu’elles aient à souffrir et les nouveaux abus et les anciens, et qu’une vaste capitale qui engloutit tout les dépeuple.

    Montesquieu a adouci le texte primitif pour qu’on n’y vit pas une allusion trop directe à la monarchie française et à Paris.