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CHAPITRE VI.


D'UNE RÉPUBLIQUE QUI CONQUIERT [1].


Il est contre la nature de la chose que, dans une constitution fédérative, un État confédéré conquière sur l’autre, comme nous avons vu de nos jours chez les Suisses [2]. Dans les républiques fédératives mixtes, où l’association est entre de petites républiques et de petites monarchies, cela choque moins.

Il est encore contre la nature de la chose qu’une république démocratique conquière des villes qui ne sauroient entrer dans la sphère de la démocratie. Il faut que le peuple conquis puisse jouir des privilèges de la souveraineté, comme les Romains l’établirent au commencement. On doit borner la conquête au nombre des citoyens que l'on fixera pour la démocratie[3].

Si une démocratie conquiert un peuple pour le gouverner comme sujet, elle exposera sa propre liberté, parce

  1. Hume a défendu les mêmes idées dans ses Essais moraux et politiques, IVe Essai : Que la politique peut être réduite en forme de science.
  2. Pour le Tockembourg. (M.) Tockembourg ou Toggenburg, vallée de la Suisse dans le canton de Saint-Gall. Au XVe siècle, Schwytz et Zurich se disputèrent ce petit pays, par une guerre dite de Toggenburg. De 1706 à 1718, les habitants de la vallée soutinrent contre l'abbaye de Saint-Gall une seconde guerre de Toggenburg qui amena leur affranchissement.
  3. Sup., II, II, note 1.