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CHAPITRE II.


DE LA GUERRE.


La vie des États est comme celle des hommes. Ceux-ci ont droit de tuer dans le cas de la défense naturelle ; ceux-là ont droit de faire la guerre pour leur propre conservation.

Dans le cas de la défense naturelle, j’ai droit de tuer, parce que ma vie est à moi, comme la vie de celui qui m’attaque est à lui : de même un État fait la guerre, parce que sa conservation est juste comme toute autre conservation.

Entre les citoyens le droit de la défense naturelle n’emporte point avec lui la nécessité de l’attaque. Au lieu d’attaquer, ils n’ont qu’à recourir aux tribunaux. Ils ne peuvent donc exercer le droit de cette défense que dans les cas momentanés où l’on seroit perdu si l’on attendoit le secours des lois. Mais, entre les sociétés, le droit de la défense naturelle entraine quelquefois la nécessité d’attaquer, lorsqu’un peuple voit qu’une plus longue paix en mettroit un autre en état de le détruire, et que l’attaque est dans ce moment le seul moyen d’empêcher cette destruction [1].

  1. Beau prétexte aux ambitieux pour faire la guerre, suivant leur passion ou leur caprice.