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CHAPITRE IV.


COMMENT LES ÉTATS DESPOTIQUES POURVOIENT
A LEUR SURETÉ.


Comme les républiques pourvoient à leur sûreté en s'unissant, les États despotiques le font en se séparant, et en se tenant, pour ainsi dire, seuls. Ils sacrifient une partie du pays, ravagent les frontières, et les rendent désertes ; le corps de l'empire devient inaccessible.

Il est reçu en géométrie que plus les corps ont d'étendue, plus leur circonférence est relativement petite. Cette pratique de dévaster les frontières est donc plus tolérable dans les grands États que dans les médiocres.

Cet État fait contre lui-même tout le mal que pourroit faire un cruel ennemi, mais un ennemi qu'on ne pourroit arrêter.

L'État despotique se conserve par une autre sorte de séparation, qui se fait en mettant les provinces éloignées entre les mains d'un prince qui en soit feudataire [1]. Le Mogol, la Perse, les empereurs de la Chine ont leurs feudataires ; et les Turcs se sont très-bien trouvés d'avoir mis entre leurs ennemis et eux, les Tartares, les Moldaves, les Valaques, et autrefois les Transilvains.

  1. Ceci n'est point particulier aux États despotiques. Voyez les Anglais et les Hollandais dans les Indes.
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