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XXII
INTRODUCTION

En 1747, nouveau retard et nouveau changement. C’est toujours l'abbé de Guasco qui fera imprimer l'ouvrage, mais Montesquieu est d’avis de le faire imprimer en cinq volumes in-12 (toujours sa division) ; il se réserve d’y ajouter quelque jour un sixième volume qui contiendra un supplément. « Je suis accablé de lassitude, écrivait-il à Monseigneur Cerati, je compte me reposer le reste de mes jours [1]. »

Enfin, au mois de mai 1747, près de partir pour la Lorraine, et craignant de fatiguer son ami, Montesquieu remet le manuscrit de l’Esprit des lois à M. Sarrasin, résident de Genève en France. C’est Barillot qui sera chargé de l’impression ; c’est Jacob Vernet, professeur en théologie et ministre de l’Église de Genève, qui reverra les épreuves.

Montesquieu avait connu J. Vernet à Rome, et leur liaison n’avait jamais été interrompue. Vernet accepta la charge délicate que lui offrait le grand écrivain ; et tant que dura l’impression du livre, il fut en correspondance régulière avec l’auteur, qui lui envoyait courrier par courrier ses additions et ses corrections. Le biographe de J. Vernet [2] nous dit qu’il a eu entre les mains ces premières variantes de l'Esprit des lois. « Elles sont curieuses, ajoute-t-il ; Montesquieu avoit si fortement médité son sujet, qu’il n’eut aucune idée importante à modifier ; mais il étoit singulièrement attentif au choix des tours et des expressions ; il prioit souvent son éditeur de faire substituer un certain mot à un autre, et dans ces légers changements, qui étoient presque toujours motivés, on voit avec quel goût il les composoit. »

Ce n’était pas seulement par délicatesse de goût que Montesquieu pesait chaque mot ; c’était aussi par prudence. Semblable en ce point, comme en beaucoup d’autres, à son compatriote Montaigne, l’auteur de l'Esprit des lois, le plus

  1. Lettre du 31 mars 1747
  2. Mémoire historique sur la vie et les ouvrages de M. J. Vernet, professeur en théologie, etc. Paris et Genève, 1790. L’auteur est, dit-on, M. Saladin.