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LIVRE VIII, CHAP. XVI.


qu’après toutes ses guerres, elle resta toujours avec son territoire. Le seul but de Lacédémone étoit la liberté ; le seul avantage de sa liberté, c’étoit la gloire.

Ce fut l’esprit des républiques grecques de se contenter de leurs terres, comme de leurs lois. Athènes prit de l’ambition, et en donna à Lacédémone : mais ce fut plutôt pour commander à des peuples libres, que pour gouverner des esclaves ; plutôt pour être à la tète de l’union, que pour la rompre. Tout fut perdu lorsqu’une monarchie s’éleva ; gouvernement dont l’esprit est plus tourné vers l’agrandissement.

Sans des circonstances particulières [1], il est difficile que tout autre gouvernement que le républicain puisse subsister dans une seule ville. Un prince d’un si petit État chercheroit naturellement à opprimer, parce qu’il auroit une grande puissance et peu de moyens pour en jouir, ou pour la faire respecter : il fouleroit donc beaucoup ses peuples. D’un autre côté, un tel prince seroit aisément opprimé par une force étrangère, ou même par une force domestique ; le peuple pourroit à tous les instants s’assembler et se réunir contre lui. Or, quand un prince d’une ville est chassé de sa ville, le procès est fini ; s’il a plusieurs villes, le procès n’est que commencé.

  1. Comme quand un petit souverain se maintient entre deux grands États par leur jalousie mutuelle ; mais il n'existe que précairement. (M.)
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