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CHAPITRE III.


DES LOIS SOMPTUAIRES DANS L'ARISTOCRATIE.


L'aristocratie mal constituée a ce malheur, que les nobles y ont les richesses, et que cependant ils ne doivent pas dépenser ; le luxe contraire à l'esprit de modération en doit être banni. Il n'y a donc que des gens très-pauvres qui ne peuvent pas recevoir, et des gens très-riches qui ne peuvent pas dépenser.

A Venise, les lois forcent les nobles à la modestie [1]. Ils se sont tellement accoutumés à l'épargne, qu'il n'y a que les courtisanes qui puissent leur faire donner de l'argent. On se sert de cette voie pour entretenir l'industrie [2] ; les femmes les plus méprisables y dépensent sans danger, pendant que leurs tributaires y mènent la vie du monde la plus obscure.

Les bonnes républiques grecques avoient, à cet égard, des institutions admirables. Les riches employoient leur

  1. « La noblesse ne sauroit pas même s'habiller à sa fantaisie, ni se faire servir chez elle par caprice. Aucun ne sauroit s'exempter du service public, à moins d'être malade ou de prendre le petit colet. Il faut servir aussitôt que le gouvernement l'ordonne. Il vous tire de la campagne, de la ville, de vos propres affaires et de vos plaisirs même toutes les fois qu'il le trouve bon. » Catanéo, La source, la force et le véritable esprit des lois, p. 221.
  2. Cela seroit bien à rebours du bon sens. (HELVÉTIUS.)