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DE L'ESPRIT DES LOIS.


sot! dit le roi : que ne les écrivoit-il contre moi ? on ne lui auroit rien fait. »

« Soixante-dix personnes conspirèrent contre l'empereur Basile [1] ; il les fit fustiger; on leur brûla les cheveux et le poil. Un cerf l'ayant pris avec son bois par la ceinture, quelqu'un de sa suite tira son épée, coupa sa ceinture et le délivra ; il lui fit trancher la tête, parce qu'il avoit, disoit-il, tiré l'épée contre lui. » Qui pourroit penser que, sous le même prince, on eût rendu ces deux jugements ?

C'est un grand mal, parmi nous [2], de faire subir la même peine à celui qui vole sur un grand chemin, et à celui qui vole et assassine. Il est visible que, pour la sûreté publique, il faudroit mettre quelque différence dans la peine.

A la Chine, les voleurs cruels sont coupés en morceaux [3], les autres non : cette différence fait que l'on y vole, mais qu'on n'y assassine pas.

En Moscovie, où la peine des voleurs et celle des assassins sont les mêmes, on assassine [4] toujours. Les morts, y dit-on, ne racontent rien.

Quand il n'y a point de différence dans la peine, il faut en mettre dans l'espérance de la grâce. En Angleterre, on n'assassine point, parce que les voleurs peuvent espérer d'être transportés dans les colonies, non pas les assassins [5].

C'est un grand ressort des gouvernements modérés

  1. Histoire de Nicéphore. (M.)
  2. En France.
  3. Le P. Du Halde, t. 1, p. 6. (M.)
  4. État présent de la grande Russie, par Peny (M.)
  5. A. Mais non les assassins.