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CHAPITRE XVI.


DE LA JUSTE PROPORTION DES PEINES
AVEC LE CRIME.


Il est essentiel que les peines aient de l’harmonie entre elles, parce qu’il est essentiel que l’on évite plutôt un grand crime qu’un moindre, ce qui attaque plus la société, que ce qui la choque moins.

« Un imposteur [1], qui se disoit Constantin Ducas, suscita un grand soulèvement à Constantinople. Il fut pris et condamné au fouet ; mais, ayant accusé des personnes considérables, il fut condamné, comme calomniateur, à être brûlé. » Il est singulier qu’on eût ainsi proportionné les peines entre le crime de lèse-majesté et celui de calomnie [2].

Cela fait souvenir d’un mot de Charles II, roi d’Angleterre. Il vit, en passant, un homme au pilori ; il demanda pourquoi il étoit là [3]. « Sire, lui dit-on, c’est parce qu’il a fait des libelles contre vos ministres. » — « Le grand

  1. Histoire de Nicéphore, patriarche de Constantinople. (M.)
  2. Il est probable qu'on le fouetta pour le livrer au mépris de la populace, et qu'on punit le crime de lèse-majesté sous le prétexte de la calomnie. Il s'agit non pas d'une loi, mais d'un fait particulier. On n'en peut rien conclure sur la proportion dos peines.
  3. A. B. Pourquoi l'a-t-on mis là, dit-il. — Sire, lui répondit-on, il a fait des écrits satiriques contre vos ministres.