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LIVRE VI, CHAP. XIII.


vrent le ventre pour la moindre fantaisie, sont-ils corrigés ou arrêtés par la vue continuelle des supplices ? Et ne s’y familiarisent-ils pas ?

Les Relations nous disent, au sujet de l’éducation des Japonois, qu’il faut traiter les enfants avec douceur, parce qu’ils s’obstinent contre les peines ; que les esclaves ne doivent point être trop rudement traités, parce qu’ils se mettent d’abord en défense. Par l’esprit qui doit régner dans le gouvernement domestique, n’auroit-on pas pu juger de celui qu’on devoit porter dans le gouvernement politique et civil ?

Un législateur sage auroit cherché à ramener les esprits par un juste tempérament des peines et des récompenses ; par des maximes de philosophie, de morale et de religion, assorties à ces caractères ; par la juste application des règles de l’honneur ; par le supplice de la honte [1] ; par la jouissance d’un bonheur constant et d’une douce tranquillité ; et, s’il avoit craint [2] que les esprits, accoutumés à n’être arrêtés que par une peine cruelle, ne pussent plus l’être par une plus douce, il auroit agi [3] d’une manière sourde et insensible ; il auroit, dans les cas particuliers les plus graciables, modéré la peine du crime, jusqu’à ce qu’il eût pu parvenir à la modifier dans tous les cas.

Mais le despotisme ne connoit point ces ressorts ; il ne mène pas par ces voies. Il peut abuser de lui [4], mais c’est tout ce qu’il peut faire. Au Japon, il a fait un effort, il est devenu plus cruel que lui-même.

  1. Par le supplice de la honte, n'est pas dans A. B.
  2. Ce dernier paragraphe n'est pas dans A. B.
  3. Remarquez bien ceci comme une maxime de pratique dans les cas où les esprits ont été gâtés par des peines trop rigoureuses. (M.)
  4. A. B. De lui-même.