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CHAPITRE IV.


DE LA MANIÈRE DE FORMER LES JUGEMENTS.


De là suivent les différentes manières de former les jugements. Dans les monarchies, les juges prennent la manière des arbitres ; ils délibèrent ensemble, ils se communiquent leurs pensées, ils se concilient ; on modifie son avis pour le rendre conforme à celui d'un autre ; les avis les moins nombreux sont rappelés aux deux plus grands. Cela n'est point de la nature de la république. A Rome et dans les villes grecques, les juges ne se communiquoient point : chacun donnoit son avis d'une de ces trois manières : J'absous, Je condamne, Il ne me paroit pas [1] : c'est que le peuple jugeoit ou étoit censé juger. Mais le peuple n'est pas jurisconsulte ; toutes ces modifications et tempéraments des arbitres ne sont pas pour lui ; il faut lui présenter un seul objet, un fait, et un seul fait, et qu'il n'ait qu'à voir s'il doit condamner, absoudre, ou remettre le jugement.

Les Romains, à l'exemple des Grecs, introduisirent des formules d'actions [2], et établirent la nécessité de diriger chaque affaire par l'action qui lui étoit propre. Cela étoit nécessaire dans leur manière de juger : il falloit fixer

  1. Non liquet. (M.) — A B. : Il ne me paroit pas clair.
  2. Quas actiones, ne populus, prout vellet, institueret, certas solemnesque esse voluerunt, L. 2, § 6, Digest., de orig, jur. (M.)