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IX
A L’ESPRIT DES LOIS.


celles qui n'en ont aucun ; que de deux pratiques pernicieuses il cherche celle qui l'est plus et celle qui l'est moins ; qu’il y discute celles qui peuvent avoir de bons effets à un certain égard et de mauvais dans un autre. Il a cru ses recherches utiles, parce que le bon sens consiste beaucoup à connaitre les nuances des choses [1].


En d’autres termes, Montesquieu a fait rentrer le droit et la politique dans la classe des sciences expérimentales ; et il a créé du même coup l’histoire du droit et la législation comparée.

Cette conception nous explique un des points les plus obscurs de l'Esprit des lois.

On a souvent reproché à Montesquieu sa division des gouvernements. Aristote avait introduit dans la science une division d’une simplicité parfaite. Le philosophe reconnaît trois espèces de gouvernement : celui d’un seul, celui de quelques-uns, celui du plus grand nombre. Mais le chiffre des gouvernants ne fait pas le vice ou la bonté d’un régime ; c’est là une erreur grossière, quoique fort à la mode aujourd’hui ; un gouvernement est bon quand il a pour objet l’intérêt et le bonheur général ; il est mauvais quand il ne fait que servir l’égoïsme de ceux qui ont le pouvoir en main. Aristote distingue donc la royauté de la tyrannie qui n’est que la corruption ou la perversion de la royauté. Il oppose également l’aristocratie à l’oligarchie, et la république à la démagogie.

Au lieu d’adopter cette classification naturelle, Montesquieu rompt avec la tradition, et distingue trois espèces de gouvernement : le Républicain, dans lequel il fait entrer tant bien que mal la démocratie et l’aristocratie, le Monarchique et le Despotique, « Le gouvernement républicain est celui où le peuple en corps, ou seulement une partie du peuple a la souveraine puissance ; le monarchique, celui où un seul gouverne, mais par des lois fixes et établies ; au lieu que dans le

  1. Défense de l'Esprit des lois, seconde partie, Idées générales.