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LIVRE V, CHAP. IX.

Toutes ces prérogatives seront particulières à la Noblesse, et ne passeront point au peuple, si l'on ne veut choquer le principe du gouvernement, si l'on ne veut diminuer la force de la Noblesse et celle du peuple.

Les substitutions gênent le commerce ; le retrait lignager fait une infinité de procès nécessaires ; et tous les fonds du royaume vendus sont au moins, en quelque façon, sans maître pendant un an [1]. Des prérogatives attachées à des fiefs donnent un pouvoir très à charge à ceux qui les souffrent. Ce sont des inconvénients particuliers de la Noblesse, qui disparoissent devant l’utilité générale qu’elle procure [2]. Mais quand on les communique au peuple, on choque inutilement tous les principes [3].

On peut, dans les monarchies, permettre de laisser la plus grande partie de ses biens à un de ses enfants ; cette permission n’est même bonne que là [4].

Il faut que les lois favorisent tout le commerce [5] que la constitution de ce gouvernement peut donner ; afin que les sujets puissent, sans périr, satisfaire aux besoins toujours renaissants du prince et de sa cour.

Il faut qu’elle mettent un certain ordre dans la manière

  1. On avait un an et un jour pour exercer le retrait lignager.
  2. Quelle a jamais été en France cette utilité générale ?
  3. Le principe, que je n’entends pas défendre, était que la noblesse tenait à la terre autant qu’à la personne. Une fois les roturiers admis à acquérir des terres nobles, il était naturel qu’ils possédassent les privilèges de la noblesse en ce qui touchait les terres possédées.
  4. Pour rendre l'aîné un mauvais sujet, et les cadets des aventuriers. (HELVÉTIUS.)
  5. Elle ne le permet qu’au peuple. Voyez la loi troisième, au Code, De comm. et mercatoribus, qui est pleine de bon sens. (M.) — En d’autres termes : il n’est pas de commerce qu’on ne puisse faire dans une monarchie ; mais il est certaines classes privilégiées auxquelles il faut interdire le commerce et l’industrie. Ce fut là une des erreurs de l’ancien régime et la cause de préjugés qui ne sont pas entièrement effacés dans notre pays.