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CHAPITRE II.


CE QUE C'EST QUE LA VERTU DANS L’ÉTAT POLITIQUE.


La vertu, dans une république, est une chose très-simple : c’est l'amour de la république ; c’est un sentiment, et non une suite de connoissances ; le dernier homme de l’État peut avoir ce sentiment, comme le premier. Quand le peuple a une fois de bonnes maximes, il s’y tient plus longtemps, que ce qu’on appelle les honnêtes gens [1]. Il est rare que la corruption commence par lui. Souvent il a tiré, de la médiocrité de ses lumières un attachement plus fort pour ce qui est établi.

L’amour de la patrie conduit à la bonté des mœurs, et la bonté des mœurs mène à l’amour de la patrie. Moins nous pouvons satisfaire nos passions particulières, plus nous nous livrons aux générales. Pourquoi les moines aiment-ils tant leur ordre ? C’est justement par l’endroit qui fait qu’il leur est insupportable. Leur règle les prive de toutes les choses sur lesquelles les passions ordinaires s’appuient : reste donc cette passion pour la règle même qui les afflige. Plus elle est austère, c’est-à-dire, plus elle retranche de leurs penchants, plus elle donne de force à ceux qu’elle leur laisse.

  1. V. sup., IV, II.
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