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CHAPITRE VIII.


QUE L'HONNEUR N'EST POINT LE PRINCIPE
DES ÉTATS DESPOTIQUES.


Ce n’est point l'honneur qui est le principe des Étals despotiques : les hommes y étant tous égaux, on n’y peut se préférer aux autres ; les hommes y étant tous esclaves, on n’y peut se préférer à rien.

De plus, comme l’honneur a ses lois et ses règles, et qu’il ne sauroit plier ; qu’il dépend bien de son propre caprice, et non pas de celui d’un autre, il ne peut se trouver que dans des États où la constitution est fixe, et qui ont des lois certaines [1].

Comment seroit-il souffert chez le despote ? Il fait gloire de mépriser la vie, et le despote n’a de force que parce qu’il peut l’ôter. Comment pourroit-il souffrir le despote ? Il a des règles suivies et des caprices soutenus ; le despote n’a aucune règle, et ses caprices détruisent tous les autres.

  1. L'honneur était la loi de la noblesse française, et en un sens le principe de notre ancienne monarchie. C’était l'héritage moral de la féodalité et de la chevalerie. Mais il ne faut pas faire de l’honneur le principe nécessaire de la monarchie : il y a en Europe de très-grands États monarchiques qui n'ont jamais eu qu’une noblesse misérable et famélique, chez laquelle on chercherait en vain la délicatesse, la susceptibilité, l’indépendance, la générosité du vieil honneur français ou espagnol.