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LIVRE II, CHAP. IV.


cieuse d’un seul, rien ne peut être fixe, et par conséquent aucune loi fondamentale.

Le pouvoir intermédiaire subordonné le plus naturel est celui de la noblesse. Elle entre en quelque façon dans l’essence de la monarchie, dont la maxime fondamentale est : point de monarque point de noblesse ; point de noblesse point de monarque [1]. Mais on a un despote.

Il y a des gens qui avoient imaginé, dans quelques États en Europe, d’abolir toutes les justices des seigneurs. Ils ne voyoient pas qu’ils vouloient faire ce que le parlement d’Angleterre a fait. Abolissez dans une monarchie les prérogatives des seigneurs, du clergé, de la noblesse et des villes ; vous aurez bientôt un État populaire, ou bien un État despotique [2].

Les tribunaux d’un grand État en Europe [3] frappent sans cesse, depuis plusieurs siècles, sur la juridiction patrimoniale des seigneurs, et sur l’ecclésiastique. Nous ne voulons pas censurer des magistrats si sages ; mais nous laissons à décider jusqu’à quel point la constitution en peut être changée.

Je ne suis point entêté des privilèges des ecclésiastiques ; mais je voudrois qu’on fixât bien une fois leur juridiction. Il n’est point question de savoir si on a eu raison de l’établir, mais si elle est établie, si elle fait une partie des lois du pays, et si elle y est partout relative ; si, entre deux pouvoirs que l’on reconnoît indépendants, les conditions ne doivent pas être réciproques ; et s’il n’est pas égal à un bon sujet de défendre la justice du

  1. Cette maxime rappelle celle de Charles Ier d’Angleterre qui disait : Point d’évéque, point de monarque. No cross, no crown.
  2. La Révolution française n’a que trop justifié cette observation.
  3. La France.