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LIVRE II, CHAP. II.


États où il n’a point de part au gouvernement, il s’échauffera pour un acteur, comme il auroit fait pour les affaires [1]. Le malheur d’une république, c’est lorsqu’il n’y a plus de brigues ; et cela arrive lorsqu’on a corrompu le peuple à prix d’argent : il devient de sang-froid, il s’affectionne à l’argent, mais il ne s’affectionne plus aux affaires : sans souci du gouvernement et de ce qu’on y propose, il attend tranquillement son salaire.

C’est encore une loi fondamentale de la démocratie, que le peuple seul fasse des lois. Il y a pourtant mille occasions où il est nécessaire que le sénat puisse statuer ; il est même souvent à propos d’essayer une loi avant de rétablir. La constitution de Rome et celle d’Athènes étoient très-sages. Les arrêts du sénat [2] avoient force de loi pendant un an ; ils ne devenoient perpétuels que par la volonté du peuple.

  1. Infra, XIX, III.
  2. Voyez Denys d'Halicarnasse, liv. IV et IX. (M.) (J'ose dire que ce prétendu essai d'une loi avant que d'en fixer la stabilité est une chimère, et qu'on n’en peut pas citer un seul exemple dans toute la suite de l’histoire de la république romaine. Il est vrai que dans les choses d’administration qui doivent varier suivant les circonstances, le sénat faisoit souvent des règlements annuels, comme lorsqu’il distribuoit les départements entre les deux consuls, et déterminoit le nombre des légions qui dévoient être mises en campagne, etc. Les passages de Denys d'Halicamasse ne disent que cela et ne doivent pas être autrement entendus, mais, par rapport aux lois, le droit du sénat était d’en délibérer le premier, et de donner son avis au peuple dont il éclairoit ainsi les suffrages, mais qui prenoit son parti comme il lui plaisoit, et prononçoit en souverain. (CRÉVIER).
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