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LIVRE I, CHAP. I.


connoître ; la plupart même se conservent mieux que nous, et ne font pas un aussi mauvais usage de leurs passions.

L’homme, comme être physique, est, ainsi que les autres corps, gouverné par des lois invariables. Comme être intelligent, il viole sans cesse les lois que Dieu a établies [1], et change celles qu’il établit lui-même. Il faut qu’il se conduise ; et cependant il est un être borné ; il est sujet à l’ignorance et à l’erreur, comme toutes les intelligences finies ; les foibles connoissances qu’il a, il les perd encore : comme créature sensible, il devient sujet à mille passions. Un tel être pouvoit, à tous les instants, oublier son créateur ; Dieu l’a rappelé à lui par les lois de la religion. Un tel être pouvoit, à tous les instants, s’oublier lui-même ; les philosophes l’ont averti par les lois de la morale. Fait pour vivre dans la société, il y pouvoit oublier les autres ; les législateurs l’ont rendu à ses devoirs par les lois politiques et civiles [2].

  1. Inf XXVI, XIV.
  2. Défense de l’Esprit des lois, première partie, II, septième et huitième objections.
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