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DE L’ESPRIT DES LOIS.


principal instrument, il a cru devoir, en conséquence, traiter des opérations sur la monnoie, du change, du paiement des dettes publiques, du prêt à intérêt, dont il fixe les lois et les limites, et qu’il ne confond nullement avec les excès si justement condamnés de l’usure.

La population et le nombre des habitants ont avec le commerce un rapport immédiat ; et les mariages ayant pour objet la population, M. de Montesquieu approfondit ici cette importante matière. Ce qui favorise le plus la propagation est la continence publique ; l'expérience prouve que les conjonctions illicites y contribuent peu, et même y nuisent. On a établi avec justice pour les mariages le consentement des pères : cependant on y doit mettre des restrictions ; car la loi doit en général favoriser les mariages. La loi qui défend le mariage des mères avec les fils est (indépendamment des préceptes de la religion) une très-bonne loi civile ; car, sans parler de plusieurs autres raisons, les contractants étant d’âge très-différent, ces sortes de mariages peuvent rarement avoir la propagation pour objet. La loi qui défend le mariage du père avec la fille est fondée sur les mêmes motifs : cependant (à ne parler que civilement) elle n*est pas si indispensablement nécessaire que l’autre à l'objet de la population, puisque la vertu d’engendrer finit beaucoup plus tard dans les hommes : aussi l'usage contraire a-t-il eu lieu chez certains peuples que la lumière du christianisme n’a point éclairés. Comme la nature porte d’elle-même au mariage, c'est un mauvais gouvernement que celui où on aura besoin d’y encourager. La liberté, la sûreté, la modération des impôts, la proscription du luxe, sont les vrais principes et les vrais soutiens de la population ; cependant on peut avec succès faire des lois pour encourager les mariages, quand, malgré la corruption, il reste encore des ressorts dans le peuple qui l’attachent à sa patrie. Rien n’est plus beau que les lois d’Auguste pour favoriser la propagation de l’espèce. Par malheur il fit ses lois dans la décadence, ou plutôt dans la chute de la république ;