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DE L’ESPRIT DES LOIS.


citoyen sage et vertueux. C'est travailler à l’anéantir que de montrer ce qu’il faut faire pour le conserver. La perfection de ce gouvernement en est la ruine ; et le code exact de la tyrannie, tel que l’auteur le donne, est en même temps la satire et le fléau le plus redoutable des tyrans. A l’égard des autres gouvernements, ils ont chacun leurs avantages : le républicain est plus propre aux petits États ; le monarchique aux grands ; le républicain plus sujet aux excès, le monarchique aux abus ; le républicain apporte plus de maturité dans l’exécution des lois, le monarchique plus de promptitude.

La différence des principes des trois gouvernements doit en produire dans le nombre et l’objet des lois, dans la forme des jugements et la nature des peines. La constitution des monarchies étant invariable et fondamentale, exige plus de lois civiles et de tribunaux, afin que la justice soit rendue d’une manière plus uniforme et moins arbitraire. Dans les États modérés, soit monarchies, soit républiques, on ne sauroit apporter trop de formalités aux lois criminelles. Les peines doivent non-seulement être en proportion avec le crime, mais encore les plus douces qu’il est possible, surtout dans la démocratie : l’opinion attachée aux peines fera souvent plus d’effet que leur grandeur même. Dans les républiques, il faut juger selon la loi, parce qu’aucun particulier n’est le maître de l’altérer. Dans les monarchies, la clémence du souverain peut quelquefois radoucir ; mais les crimes ne doivent jamais y être jugés que par les magistrats expressément chargés d’en connoître. Enfin, c’est principalement dans les démocraties que les lois doivent être sévères contre le luxe, le relâchement des mœurs et la séduction des femmes. Leur douceur et leur foiblesse même les rendent assez propres à gouverner dans les monarchies ; et l’histoire prouve que souvent elles ont porté la couronne avec gloire.

M. de Montesquieu, ayant ainsi parcouru chaque gouvernement en particulier, les examine ensuite dans le rapport qu’ils peuvent avoir les uns aux autres, mais seulement sous le point