Page:Montesquieu - Œuvres complètes, éd. Laboulaye, t3.djvu/151

Cette page n’a pas encore été corrigée
59
DE L’ESPRIT DES LOIS.


des royaumes par les mêmes maximes sar lesquelles on décide des successions et des droits entre particuliers ; à ne point confondre les règles qui concernent la propriété avec celles qui naissent de la liberté, c’est-à-dire de l’empire de la cité ; à distinguer avec une sage modération les violations de simple police, qu’on ne fait que corriger, des grandes violations des lois, qu’on doit punir. Il sépare les principes des lois civiles et politiques de ceux qui dérivent du droit des gens, inspirant ainsi du respect pour les prérogatives sacrées et réciproques des nations. Pour faire apercevoir les vues illimitées de notre auteur à ce sujet, je ne rapporterai qu’un seul trait. « Si les ambassadeurs abusent, dit-il, de leur être représentatif, on le fait cesser en les renvoyant chez eux ; on peut même les accuser devant leur maître, qui devient par là leur juge ou leur complice. » Ces deux mots renferment plus de choses que tous les volumes des publicistes qui traitent la grande question du juge compétent des ambassadeurs.

Après la fixation de ces limites entre les différents droits qui gouvernent les hommes, notre auteur couronne son travail par des règles très-sages, relatives à la manière de composer les lois. Il veut un style concis, simple, sans ostentation ; une expression directe ; des paroles qui réveillent chez tous les hommes les mêmes idées ; point d’expressions vagues ; point de subtilité, la loi n’étant que la raison simple d’un père de famille ; point d’exceptions, de limitations, de modifications ; point de lois inutiles ; point de lois qu’on puisse éluder ; point de changement dans une loi sans une raison suffisante. Il recommande que la raison de la loi soit digne d’elle ; que la loi ne choque point la nature des choses. Il fait aussi consister le génie du législateur à savoir dans quels cas il faut des différences, et il nous avertit de bien distinguer une décision, et souvent une faveur particulière de quelque rescrit, d’avec une constitution générale.

Notre auteur exige dans un législateur, non-seulement un génie étendu, mais, ce qui importe le plus, un cœur bon ; car