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DE L’ESPRIT DES LOIS.

La loi donnoit à un mari ou à une femme qui survivoit, deux ans pour se remarier, et un an et demi pour le divorce.

Les pères qui ne vouloient pas marier leurs enfants, ou donner des maris à leurs filles, y étoient contraints par le magistrat.

On défendit les fiançailles lorsque le mariage devoit être différé de plus de deux ans ; et comme on ne pouvoit épouser une fille qu’à douze ans, on ne pouvoit la fiancer qu’à dix, car la loi ne vouloit pas que l'on pût jouir inutilement, et sous prétexte de fiançailles, des privilèges des gens mariés.

Il étoit défendu à un homme qui avoit soixante ans d’épouser une femme qui en avoit cinquante, car on ne vouloit point de mariages inutiles après tant de privilèges.

La même raison déclara inégal le mariage d’une femme qui avoit plus de cinquante ans avec un homme qui en avoit moins de soixante.

Pour que l’on ne fût pas borné dans le choix, Auguste permit à tous les ingénus qui n’étoient pas sénateurs d’épouser des affranchies.

La loi pappienne interdisoit aux sénateurs le mariage avec les affranchies, ou avec les femmes de théâtre.

Du temps d’Ulpien, la loi défendoit aux ingénus d’épouser des femmes de mauvaise vie, des femmes de théâtre, des femmes condamnées par un jugement public. Du temps de la république, ces lois étoient inconnues ; car la censure corrigeoit ces désordres, ou les empéchoit de naître.

Les peines contre ceux qui se marioient contre la défense des lois, étoient les mêmes que celles contre ceux qui ne se marioient point du tout.

Les lois par lesquelles Auguste adjugea au trésor public les successions et les legs de ceux qu’elles déclaroient incapables, parurent plutôt fiscales que politiques et civiles. Ainsi le dégoût pour le mariage s’augmenta. Cela fit qu’on fut obligé tantôt de diminuer les récompenses des délateurs, tantôt d’arrêter leurs brigandages, tantôt de modifier ces lois odieuses.