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DE L’ESPRIT DES LOIS.


de subsistance ; que ce nouveau commerce produisoit le luxe ; que le luxe à Rome étoit nécessaire, puisqu’il falloit qu’une ville qui attiroit à elle toutes les richesses de l'univers les rendit par son luxe.

Notre auteur, suivant de siècle en siècle la marche du commerce, le trouve plus avili après la destruction des Romains eu Occident par l’invasion de leur empire. Un déluge de barbares, comme par une crise violente de la nature, renouvela pour ainsi dire la face de la terre ; bientôt il n’y eut presque plus de commerce en Europe. La noblesse, qui régnoit partout, ne s’en mettoit pas en peine. Les barbares le regardèrent comme un objet de leurs brigandages. Quelques restes de leurs lois insensées, qui subsistent encore de nos jours, montrent la grossièreté de leur origine.

Depuis l'affoiblissement des Romains en Orient, lors des conquêtes des mahométans, l'Égypte, ayant ses souverains particuliers, continua de faire le commerce : maîtresse des marchandises des Indes, elle attira les richesses de tous les autres pays.

A travers cette barbarie le commerce se fit jour en Europe. Notre auteur le voit, pour ainsi dire, sortir du sein de la vexation et de la barbarie. Les Juifs, proscrits de chaque pays, inventèrent les lettres de change : par ce moyen ils sauvèrent leurs effets, et rendirent leurs retraites fixes. Il remarque que depuis cette invention les grands coups d’autorité ne sont, indépendamment de l’horreur qu’ils inspirent, que des imprudences, et qu’on a reconnu par expérience qu’il n’y a plus que la bonté du gouvernement qui donne de la prospérité. C’est toujours par ces sages réflexions que notre auteur sait présenter au trône les plus utiles vérités, dont il est doux de rappeler le précieux souvenir dans nos contrées, où le lien de tendresse entre les princes et les sujets ne sauroit être plus fort. Notre auteur, il est vrai, a caché son nom ; mais on le découvre dans le plus grand jour par ces traits frappants de sagesse, de modération, de bienfaisance, qui le font regarder