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DE L’ESPRIT DES LOIS.


quête forment le principal objet de ce droit des gens. Je le dis, toujours à la louange de notre auteur, l’ouvrage du cœur donne ici, comme partout ailleurs, son caractère à l’ouvrage de l'esprit. Pour preuve de cela, il ne faut que rappeler ici sa belle, haute, sage et grande définition du droit de conquête ; « droit nécessaire, dit-il, légitime et malheureux, qui laisse toujours à payer une dette immense pour s’acquitter avec la nature humaine. » De là cette belle conséquence, que le droit de conquête porte avec lui le droit de conservation, non celui de destruction ; de là les droits barbares et insensés de tuer l'ennemi après la conquête, et de le réduire en servitude, tant décriés ; de là cette nécessité de laisser aux peuples vaincus leurs lois et, ce qui est plus important, leurs mœurs et leurs coutumes, qu'on ne sauroit changer sans de grandes secousses ; de là enfin ces pratiques admirables pour joindre les deux peuples par des nœuds indissolubles d’une amitié réciproque. Une chaîne de conséquences aussi justes que bienfaisantes nous oblige de rendre ici hommage à notre droit des gens, ou plutôt à celui de la raison qui, toujours éloignée des préjugés destructeurs, sait développer les idées éternelles et constantes du vrai et du faux, du juste et de l’injuste, pour démontrer les moyens propres à diminuer les maux et augmenter les biens des sociétés ; objet qui constitue le sublime de la raison humaine.

Il y auroit une grande imperfection dans cet ouvrage, si on n’y avoit en même temps considéré les lois dans leur rapport avec le droit le plus précieux que nous tenions de la nature, je veux dire la liberté. Mais il ne faudroit d’autre preuve du génie de notre auteur que ses théories étendues et lumineuses sur cette partie de législation ; théories qu’il tire également de la majesté du sujet et de ses profondes connoissances.

Il examine d’abord les lois qui forment la liberté politique dans son rapport le plus important, je veux dire relativement à la constitution. Pour que le lecteur ne puisse abuser des