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DE L’ESPRIT DES LOIS.


point en simple jurisconsulte qui s’arrête à examiner en détail ce qui est juste ou injuste dans les affaires contentieuses ; son dessein est de découvrir tous les objets différents de législation, qu’il a dû embrasser d’une vue générale. Ainsi le grand ressort de son ouvrage est la science du gouvernement, qui réunit toutes les sciences, tous les arts, toutes les connoissances, toutes les lois, en un mot tout ce qui peut être utile à la société.

C’est lorsqu’il traite du luxe propre au gouvernement républicain, et lorsqu’il parle de la condition des femmes, qu’il sait accorder d’une manière merveilleuse la politique avec la pureté des mœurs. Pour preuve de cette heureuse conciliation, il suffroit de rappeler ici le bel éloge que notre auteur fait des coutumes de ces peuples où l’amour, la beauté, la chasteté, la vertu, la naissance, les richesses même, tout cela étoit, pour ainsi dire, la dot de la vertu.

On est charmé de la juste apologie que notre auteur fait de l’administration des femmes, jusqu’à les placer sur le trône, non par leurs grâces, par leurs talents, mais par leur humanité, mais par leur douceur, mais par leurs sentiments tendres et compatissants qui assurent la modération dans le gouvernement. En effet, quel beau règne que celui de l’auguste souveraine Marie-Thérèse ! Non, le ciel n’a jamais confié la tutelle des peuples à une princesse plus vertueuse et plus digne de les gouverner.

L’influence des principes de chaque gouvernement est si grande, et ils ont tant de force sur la constitution, que c’est par leur corruption que tout gouvernement doit périr. Sparte, dont les institutions furent avec raison regardées comme l’ouvrage des dieux, périt par la corruption de ses principes. Dès lors ce ne furent plus les mêmes vues, les mêmes désirs, les mêmes craintes, les mêmes précautions, les mêmes soins, les mêmes travaux. Rien ne se rapporta plus au bien général, personne ne respira plus la gloire et la liberté. Ce fut par la corruption de ses principes qu’Athènes, malgré sa police, ses